L’Audace de prendre (et reprendre) sa place

 

Article tiré de Matin Magique par magie@matinmagique.com

Jai assisté au spectacle de Paul McCartney à la mi-septembre. Ce fut une magnifique soirée de trois heures, vibrante de joie de vivre et de générosité.

L’homme assis à ma droite filmait beaucoup tout au long de la soirée. Plutôt que de filmer le chanteur et son band sur la scène, il immortalisait un des écrans où on les voyait en format géant. L’écran était à notre droite, assez proche de nous, et pour pouvoir le capter au complet, mon voisin reculait son torse autant qu’il le pouvait dans la direction opposée… c’est-à-dire dans la mienne.

Si mon explication est aussi peu claire que je le crois, le bottom line est : son dos était penché vers moi, et il occupait une bonne partie de mon espace.

Une chose à mon sujet : je suis hypersensible. C’est-à-dire que mes sens sont plus aiguisés que ceux de la plupart des gens. Donc un amphithéâtre rempli de 15 000 personnes n’est pas mon habitat naturel, et le son dans ce genre de salle est toujours beaucoup trop élevé pour moi, au point où je souffre souvent physiquement de son intensité. Ainsi, la dernière chose dont j’avais besoin était de me sentir envahie dans le peu d’espace qui m’était alloué.

Au début, j’ai accepté la situation de bon coeur et mis mon malaise de côté. Je ne comprends pas l’intérêt de regarder un spectacle travers l’écran dun téléphone (aussi intelligent soit-il), mais j’aimais bien son enthousiasme, et je ne voulais pas gâcher sa joie. Après une dizaine de chansons, par contre, j’ai commencé à me sentir vraiment mal à l’aise. Puis un petit noeud de frustration a commencé se former. Et jai fini par craquer.

C’était pendant la chanson Let it be. ça devait être la préférée de mon voisin, car il a incliné son corps encore d’avantage dans ma direction pour capter chaque pixel de l’écran, et je me suis retrouvée encore plus coincée qu’avant, trop prise pour pouvoir moi-même profiter de la chanson. Bouillonnante de frustration, j’ai sorti ma baguette magique et j’ai lancé  « Avada kedavra! » en la pointant vers lui. Je blague évidemment, je n’utilise ma baguette magique et les sortilges meurtriers que pour les situations qui mettent la planète en péril. Non, en réalité, je me suis simplement recentrée dans mon siège, sachant qu’il allait automatiquement me sentir pousser derrière son dos et, probablement, capter le message.

Voici ce qui est particulier : dès qu’il a senti la pression de mon bras, il s’est excusé et il a repris sa place. Mais de mon côté, dès l’instant où il s’est replacé.. eh bien, plutôt que d’être soulagée, j’ai commencé à me sentir toute sale et minuscule. Je me jugeais de ne pas avoir été plus généreuse et d’avoir privé mon voisin de son beau moment de joie insouciante. En plus, tout cela s’était passé au son de Let it be.. Quelle ironie que j’aie agi de façon si petite et immature alors que la chanson parle plus ou moins de lâcher prise et d’être porté par la vie.

Avez-vous déjà vécu cette expérience? Vous êtes-vous déjà rapetissé pour ne pas ternir le bonheur de l’autre, ou pour ne pas créer de remous, ou pour ne pas être rejeté? Avez-vous déjà repris votre place dans un élan de frustration, pour vous sentir ensuite honteux de l’avoir fait?

Prendre notre place, ou la reprendre, est une des choses les plus difficiles… ça nous confronte à notre besoin d’approbation.. au sens de notre valeur.. à notre peur de blesser les autres. C’est une de ces situations où la victime finit souvent par se sentir coupable. Parce qu’on nous a inculqué qu’il ne fallait pas trop déranger. Parce que quand une personne nous manque de respect, c’est souvent parce qu’elle s’est créé une représentation mentale de la réalité dans laquelle son comportement est adéquat, et on finit souvent par voir la situation à travers sa lentille. Et si on a permis quelqu’un d’occuper notre espace pendant longtemps, on a l’impression de voler quelque chose qui lui appartient quand on le reprend.

Donc, êtes-vous recroquevillé dans un recoin de votre siège, énergtéiquement? Voici ce que jai envie de vous dire…

En immobilier, il y a ce qu’on appelle les « droits acquis », c’est-à-dire que si une personne utilise une portion de terrain en croyant qu’elle fait partie de sa propriété et qu’elle apprend, après plusieurs années, qu’elle appartient en fait au voisin, elle peut tenter de faire reconnaître son droit sur le bout de terrain en question. Je ne suis pas certaine des détails, n’ayant que très peu de connaissances juridiques… Mais il y a une chose dont je suis sûre et que je peux vous dire avec conviction : il n’y a pas de droits acquis possibles sur vous. Personne ne peut devenir propriétaire de votre espace à force de l’occuper. Et même si vous avez toléré un envahissement pendant 20 ans, ce qui est vôtre vous appartient toujours à 100 %, et vous avez toujours le droit de le récupérer.

Pour continuer, et juste au cas où vous auriez besoin d’un rappel : vous n’êtes pas responsable de l’enthousiasme des personnes autour de vous. Vous avez le droit de gâcher la joie dune personne qui piétine sur votre potager, même si elle n’est pas mal intentionnée. Ce serait merveilleux si tout le monde pouvait vivre sans contraintes et avec une abondance de tout, mais ce monde n’existe pas plus pour les autres que pour vous. Et si on y pense, il n’y a rien de sain ou de généreux à nourrir le schéma d’une personne qui choisit d’occuper un espace qui n’est pas le sien : quelle le réalise ou non, elle se fait autant de mal qu’à nous avec ses actions. Ainsi, elle semble peut-tre déçue ou en colère lorsqu’on met nos limites, mais son âme, elle, nous donnerait probablement un gros bec sur le front.

Donc si vous avez le sentiment de vous faire tout petit dans votre chaise, peut-être sentez-vous que vous êtes prêt vous redresser et vous placer en son centre. Je peux me tromper, mais il me semble que le moment est arrivé de récupérer tous les petits bouts de vous que vous avez donnés ou que vous avez laissé les autres vous enlever. Il est possible que vous ne sachiez même pas où ils sont, et comment vous vous en êtes éloigné.. il y a des dynamiques qu’on vit qui deviennent si profondément installées qu’on ne les voit même plus. Mais il n’est jamais trop tard pour partir à l’exploration, et elles finiront par se révéler.

Prendre votre place sera encore plus douloureux que de la perdre, initialement… Toutes les peurs qui vous ont amené à vous rapetisser courront à votre rencontre avec un petit sourire sournois, et il est possible que ça boude ou que ça rugisse dans votre environnement. Dans ces moments, vous aurez le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond… mais cet inconfort est normal, inévitable, et il n’y a pas de solution magique autre que de l’accepter et de laisser les choses se placer. En fait, pour reprendre les paroles que chantait Paul McCartney, un beau mantra que vous pouvez vous répéter est justement : Let it be. Oui, let it be, lâchez prise… Lâchez prise non pas sur votre sens de la justice et sur votre dignité, mais sur votre sentiment de ne pas les mériter. Oui, laissez les choses être telles qu’elles sont, acceptez-les… Cela dit, n’acceptez pas la réalité de devoir vous effacer, mais la réalité de pouvoir et de vouloir récupérer ce qui vous appartient malgré tout ce carcan qui tente de vous arrêter.

Votre espace est le vôtre. Personne ne peut se l’approprier, et les personnes qui tentent de le faire ne font que s’empoisonner (et ceux qui le font innocemment souhaiteraient certainement savoir ce qu’il en est, et ils arrêteraient immédiatement). Donc, reprenez ce qui est vôtre, et installez-vous confortablement au centre de votre siège, au centre de votre vie. Et voyez comment le spectacle est magnifique, ainsi…

Bon lundi! ❤️